Les nouveaux défis de l’analyse des réseaux (The Conversation, 2 novembre 2017)

Le 5 et 6 décembre 2017, le colloque Recent Ethical Challenges in Social Network Analysis (RECSNA17) aura lieu à Paris : une rencontre internationale et interdisciplinaire que je coorganise avec une équipe de chercheurs français et anglais. Les inscriptions sont gratuites et ouvertes jusqu’au 30 novembre.

Pour lancer le débat et pour énoncer les thématiques qui seront traitées lors du colloque, le site web The Conversation a publié une tribune que j’ai coécrit avec Paola Tubaro.

Il faut repenser l’éthique de la recherche des réseaux sociaux

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“Depuis longtemps, les universitaires s’interrogent sur ces difficultés éthiques : déjà en 2005 la revue Social Networks dédiait un numéro à ces questions. Les dilemmes des chercheur.e.s sont exacerbés aujourd’hui par la disponibilité accrue de données relationnelles collectées et exploitées par les géants du numérique comme Facebook ou Google. Des problèmes nouveaux surgissent dès lors que les frontières entre sphères « publique » et « privée » se brouillent. Dans quelle mesure a-t-on besoin d’un consentement pour accéder aux messages qu’une personne envoie à ses contacts, à ses « retweets », ou à ses « j’aime » sur les murs des amis ?

Les sources d’information sont souvent la propriété d’entreprises commerciales, et les algorithmes que celles-ci utilisent biaisent les observations. Par exemple, un contact créé par un usager de sa propre initiative, et un contact créé sous le conseil d’un système de recommandation automatisé peuvent-ils être interprétés de la même manière ? Bref, les données ne parlent pas par elles-mêmes, et il faut s’interroger sur les conditions de leur usage et sur les modalités de leur production, avant de penser à leur traitement. Ces dimensions sont profondément influencées par les choix économiques et techniques ainsi que par les architectures logicielles imposées par les plateformes.

Mais une réelle négociation entre les chercheur.e.s (surtout dans le secteur public) et les plateformes (parfois émanant de grandes entreprises multinationales) est-elle possible ? L’accès aux données propriétaires ne risque-t-il pas d’être freiné, ou inégalement distribué (de manière potentiellement pénalisante pour la recherche publique, surtout quand elle est mal alignée avec les objectifs et les priorités des investisseurs) ?

D’autres problèmes surgissent dans la mesure où un.e chercheur.e peut même avoir recours à du crowdsourcing payé pour produire des données, en utilisant des plateformes comme Amazon Mechanical Turk pour demander à des foules de répondre à un questionnaire, ou même de télécharger leurs listes de contacts en ligne. Mais ces services mettent en cause d’anciens acquis en termes de conditions de travail et appropriation de son produit. L’incertitude qui en résulte entrave des recherches pourtant susceptibles d’avoir des retombées positives sur la connaissance et la société au sens large.

Les possibilités de détournement des résultats de la recherche pour des finalités politiques ou économiques sont multipliées par la disponibilité d’outils de communication et publication en ligne, que les chercheur.e.s sont désormais nombreux à saisir. Si l’intérêt des milieux militaires et policiers pour l’analyse des réseaux sociaux est bien connu (Osama Ben Laden aurait été localisé et neutralisé suite à l’application de principes d’analyse des réseaux sociaux), ces appropriations sont plus fréquentes aujourd’hui, et moins facilement contrôlables par les chercheur.e.s. Un risque non négligeable est l’usage de ces principes pour réprimer des mouvements civiques et démocratiques.”

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