Dans sa récente contribution lors du symposium re:publica 2016, Sarah T. Roberts soulignait les risques pour la santé mentale (et plus en générale pour la santé au travail) des métiers du secteur du numérique. En particulier, la chercheuse de UCLA se penchait sur la modération de contenus violents ou choquants par des travailleurs de l’ombre, mal payés et souvent dans des situations de précarité. Rentrer chez soi après avoir assisté à des scènes de guerre, de haine, d’abus – et ne pas pouvoir en parler à cause des clauses de confidentialité de son contrat de travail – peut en effet avoir des conséquences néfastes sur la vie de ces travailleurs.
[One worker] indicated to me that although it he was “trained” so to speak to leave the material that he saw on the job and just sort of tap out psychologically and mentally when he left, it was really difficult for him to do that. And in fact he found himself going home and ruminating about the things that he had seen at work.
[Sarah T Roberts, Behind the Screen: The People and Politics of Commercial Content Moderation]
D’où la question : quid des ceux et celles qui ne se limitent pas à modérer la haine, mais dont le métier consiste à produire des messages racistes, dégradants pour femmes et minorités, promouvant la violence et l’exclusion ? Un exemple, parmi d’autres : les tweets de Donald Trump. Plusieurs personnes ont récemment avancé des doutes sur l’équilibre mental du candidat républicain étasunien. La question que nous pouvons poser ici est plutôt comment vivent leur vie professionnelle et personnelle les responsables de la communication de M. Trump ?
Pour répondre à cette question il faudra s’adonner à un petit exercice de mise en visibilité du travail numérique de l’ombre. Par exemple, via cette analyse fort intéressante publiée par David Robinson, le data scientist de Stack Overflow. Elle réalise une comparaison entre les tweets du staff de Donald Trump vs ceux émanant, tel un miasme impur, du monsieur lui-même.
Résumé des résultats principaux :
1) Les tweets des CM de Trump sont envoyés à partir d’un iPhone (Trump tweete depuis Android).
2) Les tweets du staff de Donald Trump sont en général plus positifs niveau sentiment analsys (jusqu’à 80% moins de mots liés à dégoût, tristesse, peur, rage).
3) Les tweets du staff de Trump ont plus de chances de contenir des liens, des photos, des hashtags.
4) Les tweets du staff de Donald Trump se concentrent entre 9h et 20h (ce qui nous en dit beaucoup sur les rythmes de travail de ces responsables comm’).
5) La nécessité d’imiter le style de Trump, renforce l’uniformité des tweets et la structure métrique caractéristique des ”Trump haikus”.
The metrical pattern is deceptively simple: Single clause declarative sentence, single clause declarative sentence, primary adjective/term of derision.
[Josh Marshall, Metrical Analysis of Trump Insult Haiku]
Et la santé au travail ? Le billet de David Robinson se termine justement avec une dernière pensée émue pour la santé mentale du CM de Donald Trump…
A lot has been written about Trump’s mental state. But I’d really rather get inside the head of this anonymous staffer, whose job is to imitate Trump’s unique cadence (“Very sad!”), or to put a positive spin on it, to millions of followers. Is he a true believer, or just a cog in a political machine, mixing whatever mainstream appeal he can into the @realDonaldTrump concoction?
[David Robinson, Text analysis of Trump’s tweets confirms he writes only the (angrier) Android half]