Podcast de La Grande Table, le magazine culturel de la mi-journée sur France Culture, en collaboration avec le magazine Books qui publie ce mois-ci un dossier sur l’usage militaire des robots et des drones. Pour en parler avec Caroline Broué, Tobie Nathan, Olivier Postel-Vinay et le sociologue Antonio Casilli, auteur de Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? (Ed. du Seuil).
Pour écouter d’autres podcast d’Antonio Casilli sur France Culture.
Les drones, avions télécommandés sans pilote, font parler d’eux. De plus en plus souvent employés dans des actions militaires en Somalie, en Libye, au Pakistan, ils jouent désormais un rôle de premier plan dans les stratégies antiterroristes. Mais la société civile s’approprie cette technologie, et la détourne à des fins de progrès social. Pas plus tard que le mois dernier le New York Times révélait que des associations écologistes s’en servaient pour surveiller la chasse illégale à la baleine au Japon, et que des groupes militants tels Occupy avaient construit des prototypes de drones actionnés via smartphone pour dénoncer les bavures policières.
Bref qu’il s’agisse de conflits sociaux ou de conflits géopolitiques, les robots sont partout. Mais ceci ne représente pas forcément une nouveauté. Déjà il y a un siècle, quand le dramaturge Karel Čapek inventa le mot « robot » ils représentaient le pendant imaginaire des ouvriers en lutte dans les usines. Et à l’aube de la première guerre mondiale, les artistes futuristes saluaient les guerres modernes dans lesquelles les combats d’humain allaient être remplacés par des chorégraphies de machines, d’automates et d’engins explosifs.
La nouveauté est ailleurs, dans le fait qu’une guerre d’un autre type se prépare, combattue par une nouvelle génération de robots. La guerre, est celle de l’information. Et les robots ont troqué leurs engrenages pour des lignes de code. Désormais devenus des êtres purement logiciels, ils se font appeler tout simplement « bots ». Ils sont devenus des intelligences artificielles parcourent la Toile à la recherche d’information et de vulnérabilités de sécurité. Les bots espionnent les ordinateurs des scientifiques iraniens, ils lancent des attaques synchronisées contre la marine américaine en ou le parlement d’Estonie. Et une autre guerre se combat aussi sur les marchés financiers, où des algorithmes ultrarapides observent les marchés financiers 24h/24 et permettent de gagner de l’argent en quelques millisecondes. Aux E-U, où ces robots ont désormais remplacé presque 70% des traders humains, l’inquiétude monte face à la possibilité que des états voyous puissent interférer dans leur fonctionnement et précipiter l’occident dans une banqueroute financière irréversible.
Peut-on dire, pour paraphraser von Clausewitz, que « la robotique est la continuation de la guerre par d’autres moyens » ?