Dans un précédent billet de Bodyspacesociety, je m’interrogeais sur la notion d’addiction informatique à l’occasion de la parution dans Cyberpsychology & Behavior d’un article remettant en cause 10 ans d’études dans ce domaine. Quand elle est appliquée aux jeux vidéo, la notion de dépendance aux usages informatiques devient encore plus intéressante – et encore plus discutable. Que les jeux vidéo entraînent chez le joueur des comportements au caractère répétitif et compulsif, comparables à ceux des consommateurs de substances psychoactives, reste une question ouverte. Les chercheurs et les thérapeutes qui se penchent sur cette question se confrontent à un objet à multiples entrées, difficile, évanescent, qui demande un véritable dialogue entre les disciplines.
C’est justement afin de stimuler ce dialogue que j’ai invité, dans le cadre de mon séminaire Transdisciplinarité et numérique, Thomas Gaon, addictologue au Centre Littoral de Villeneuve St Georges, et Mélanie Roustan, sociologue au CERLIS de l’Université Paris Descartes. Les deux présentations powerpoint que vous pouvez télécharger ici, permettent d’avoir un aperçu de cette discussion passionnante.
Thomas Gaon a d’abord présenté l’addiction au jeu comme une construction socio-historique qui s’est développée à partir du XX siècle. Elle s’est par la suite adaptée aux nouvelles formes du jeu électronique. Il a aussi présenté un cadre théorique pour l’étude des addictions aux jeux vidéo en psychologie clinique.
L’approche de Mélanie Roustan a recentré le sujet même de notre questionnement théorique, de la dépendance en tant que trouble psychologique à la dépendance en tant que manière de se rapporter à un objet (en l’occurrence à un objet technologique). L’addiction peut alors être lue comme le double dialectique de l’autonomie qui, dans nos société, est associée à l’âge adulte et à la condition même d’individu social.