Dans le magazine Mondomix n. 45, un article de Jean-Sébastien Josset et une interview avec Antonio Casilli, auteur de Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? (Seuil). Entre inquiétudes et ivresses, les réseaux sociaux en ligne reconfigurent-ils notre rapport à la mort ?
Les soi-disant mondes virtuels ne font que prolonger, compléter nos interactions sociales hors-ligne. Pour deux milliards de personnes, les événements de l’existence passent aussi par le Web : la naissance, le tissage de relations sociales (l’amitié, l’amour…) et – pourquoi pas ? – la mort. Mais ceci ne veut pas dire qu’ils cessent d’avoir lieu essentiellement dans notre quotidien. Les phénomènes qu’on observe sur le Web, et qu’on a décidé de qualifier de « rituels funéraires » ne sont, dans la plupart des cas, que des versions électroniques de vieux faire-part de décès. Quant à Facebook, la fonction memorial fait surgir un autre ordre de questions. De fait, un mémorial n’est qu’une page comme les autres, dans laquelle certaines fonctionnalités (comme la mise à jour des statuts) ont été désactivées. Même si elles ne sont plus visibles, les informations et surtout les données relationnelles des utilisateurs décédés (leurs listes d’amis, leurs groupes) restent intactes dans les serveurs de Palo Alto. Rien d’étonnant. Facebook est un service qui ne doit son bon fonctionnement qu’à une architecture de données rigide, de laquelle on ne peut pas – pour des raisons techniques – retirer des profils d’utilisateurs. Pensez à la difficulté d’effacer votre compte sur ce réseau social… Les mémoriaux en ligne répondent à la même logique : une fois qu’il est entré dans Facebook, nul ne doit sortir. C’est comme ça que Mark Zuckerberg peut se flatter de plus de 500 millions de profils.