A l’occasion de sa parution, France Culture a consacré trois émissions à mon ouvrage En attendant les robots – Enquête sur le travail du clic (Editions du Seuil, 2019).
Samedi 5 janv. 12h45 – La Suite dans les Idées.
Je suis en conversation avec Sylvain Bourmeau, Filipe Vilas-Boas à propos des “très artificielles intelligences artificielles”.
Derrière le mythe toujours plus médiatique de la prise du pouvoir par les machines de l’intelligence artificielle se cache la réalité de profondes transformations de l’économie et du travail. Le sociologue Antonio Casilli a mené l’enquête.
Nous en avons sans doute tous fait l’expérience. En prévision d’un séjour à l’étranger, nous avons eu recours à un site internet spécialisé pour trouver au meilleur prix une chambre d’hôtel. Et depuis, des années plus tard parfois, nous continuons de recevoir dans notre boite mail des propositions de réservation de chambre d’hôtel dans la ville où nous avions séjourné et dans laquelle nous n’avons a priori aucune espèce d’intention de retourner. De la même manière, comment ne pas être agacé par l’indigence des recommandations que nous font sans cesse d’autres plateformes web, telle Amazon qui croit que parce que nous avons consulté ceci sur ses pages nous aimerions acheter cela auprès d’elle… Ou Netflix dont l’interface s’avère d’une confondante médiocrité au regard du catalogue qu’il propose. Ces expériences quotidiennes viennent pour le moins contredire les discours de plus en plus enthousiastes qui nous vantent les progrès spectaculaires de l’intelligence artificielle. Une intelligence décidément pas très maligne. Et surtout, une intelligence bien plus artificielle encore qu’on l’imagine. Il suffit pour s’en assurer d’ouvrir quelques boîtes noires. Ce qu’a méthodiquement fait le sociologue Antonio Casilli. Mais aussi ce que fait, d’une autre façon, l’artiste Filipe Vilas-Boas, qui nous rejoindra en seconde partie.
Samedi 5 janv. 18h10 – Avis Critique.
Julie Clarini, Joseph Confavreux et Raphaël Bourgois proposent un compte rendu de mon ouvrage pour raconter “une histoire de domination”.
Je vous propose de commencer par le livre d’Antonio Casilli, En Attendant les robots : enquête sur le travail du clic publié au Seuil. L’auteur est sociologue et maître de conférences en humanités numériques à Télécom ParisTech. Ce livre est le résultat d’une longue enquête sur les transformations du travail à l’ère du capitalisme de plateforme pour reprendre le titre du livre de Nick Scnircek dont il a été question il y a quelques semaines dans cette émission. Casilli avait déjà signé en 2015 sur ce sujet, avec Dominique Cardon, Qu’est-ce que le digital labor ? chez INA Editions, et il revient avec une version francisée de la question puisqu’il parle ici du « travail du clic ».
Il revient donc sur ce sujet apparu dans le débat public plutôt autour des enjeux de la gratuité : l’idée selon laquelle les internautes, utilisateurs de Google ou Facebook avait accès à ces plateformes gracieusement, en échange d’un travail non rémunéré. Leurs clics, leurs données sont les matières premières qui permettent à ces sites de vivre. Mais il y a un autre aspect du digital labour, c’est de considérer les taches qui sont désormais effectuées par des robots ou des intelligences artificielles comme un grave danger pour les emplois.
Même s’il consacre un certain nombre de pages à ces évolutions, ce n’est pas ça qui intéresse fondamentalement Antonio Casilli. Il va beaucoup plus loin dans l’exploration des transformations du travail et de la valeur en menant une analyse fine de Google, Facebook mais aussi Amazon ou Uber… analyse qui montre que le vrai danger n’est pas le grand remplacement machinique, la disparition du travail, mais sa transformation profonde par l’instauration de nouveaux rapports de dépendance des travailleurs transformés en prolétaires du clic.
La première force du livre, qui est vraiment extraordinaire, c’est l’idée que les robots ne vont pas remplacer les humains. (Julie Clarini)
Il ne faut pas croire que si vous ne travaillez pas dans le digital labour, vous n’êtes pas menacé par les transformations qu’il induit. L’auteur dit bien qu’une entreprise de plus en plus numérisée fait déborder le digital labour sur le travail habituel. C’est là que l’on rejoint les thèses habituelles, de Dominique Méda notamment, selon lesquelles parcelliser, fragiliser, saccager le travail, c’est fragiliser le monde social. (Joseph Confavreux)
Dimanche 6 janv. 20h – Soft Power.
J’ai été l'”invité innovation” de Zoé Sfez et Fréderic Martel dans l’émission Soft Power.
Dans son livre “En attendant les robots”, le sociologue Antonio Casilli rend visible le travail précaire du clic derrière l’intelligence artificielle et les algorithmes et démystifie ainsi l’illusion de l’automation.
.@AntonioCasilli « On peut penser qu’Uber est un service classique mais le coeur du modèle d’Uber c’est la production de données » #SoftPower— Frederic Martel (@martelf) January 6, 2019
.@AntonioCasilli « Le travail ne disparaitra jamais mais l’emploi peut-être. Il faut se resyndicaliser, créer des plateformes collaboratives et penser les plateformes comme créatrice de richesses communes » #SoftPower— Frederic Martel (@martelf) January 6, 2019