A l’occasion de la sortie de En Attendant les Robots (Seuil, 2019) au Canada, la radio québecoise m’a interviewé.
Derrière l’intelligence artificielle, des ouvriers sous-payés
Les grandes entreprises vantent l’intelligence artificielle (IA) comme étant la technologie de l’avenir. Quoi de plus efficace que des machines qui s’améliorent par elles-mêmes en apprenant du comportement des utilisateurs? Ce que l’on sait moins, c’est que derrière ces machines et ces algorithmes, se cache de la main-d’oeuvre bon marché, véritable clé du succès de l’IA. Le sociologue Antonio Casilli dresse le portrait de ces « travailleurs du clic » dans son livre En attendant les robots.
Que ce soit l’assistant Siri sur votre téléphone intelligent, votre Google Home ou votre GPS, les objets utilisant l’IA ont besoin d’être entraînés pour s’améliorer et gagner en efficacité, explique Antonio Casilli. Derrière ces équipements, il y a des êtres humains qui sont recrutés pour retranscrire et écouter afin de s’assurer que le logiciel a bien interprété ce qu’on a dit, précise le sociologue. Parfois, il s’agit véritablement d’écouter les conversations des utilisateurs, et c’est quelque chose qui est ignoré par les utilisateurs mêmes.
Ces personnes qui travaillent à améliorer l’AI, que l’on compte par millions, sont pour la plupart des femmes et sont souvent basées dans des pays en développement. Leur emploi est généralement très précaire et elles ne sont pratiquement pas payées pour le travail qu’elles accomplissent.
Pourtant, il s’agit de personnes cruciales pour développer certains robots, souligne Antonio Casilli.
Qui dresse [ces robots]? Non pas des ingénieurs, non pas des informaticiens, mais plutôt des personnes qui sont des ouvrières du clic qui produisent des millions d’exemples grâce auxquels les machines apprennent.Antonio Casilli, sociologue
Le sociologue affirme que les grandes entreprises technologiques laissent volontairement ces travailleurs dans l’ombre afin de faire croire au public que l’IA n’aura bientôt plus besoin de l’humain pour grandir. Cette hypocrisie est nécessaire pour convaincre les travailleurs et travailleuses qu’ils ne sont pas nécessaires, que leur travail est justement quelque chose qui va disparaître, soutient-il.