J’ai le plaisir d’annoncer la soutenance de mon habilitation à diriger des recherches qui aura lieu à l’Université Paris Dauphine le vendredi 5 octobre 2018 à 14h.
Le jury sera composé de Dominique Méda (Paris Dauphine, coordinatrice), Dominique Boullier (EPFL), Michel Grossetti (CNRS), Ursula Huws (Univ. Of Hertfordshire), Patricia Vendramin (Université Catholique de Louvain), Michel Wieviorka (FMSH).
La soutenance portera sur la présentation des mes travaux des dernières années, qui envisagent les technologies de l’information et de la communication dans leur rapport à la sociabilité, à la vie privée et au travail.
Le manuscrit original présenté en vue de l’obtention de l’HDR est intitulé “Une théorie générale du digital labor”.
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“Une théorie générale du digital labor”Manuscrit original de soutenance d’habilitation à diriger des recherches de :
Antonio A. Casilli
L’analyse des effets des technologies numériques sur le travail ne peut pas se ramener aux prétendus effets de substitution entre l’humain et la machine « intelligente ». Face à la crise structurelle des marchés et à l’abdication de la mission historique des entreprises, un nouveau paradigme économique et technique s’impose, et c’est à l’aune de la notion de plateforme que nous devons appréhender le travail et ses transformations.
Il n’y a de plateformes que d’hommes et de femmes, d’usagers qui consacrent concrètement du temps et des efforts au fonctionnement de ces structures techniques. Les plateformes, dispositifs de coordination « multi-faces », captent la valeur générée par leurs utilisateurs en imposant trois types de digital labor : le travail à la demande (Uber, Deliveroo…), le micro-travail (Amazon Mechanical Turk, Clickworker…), le travail social en réseau (Youtube, Facebook…). Chacun de ces trois types est associé à des techniques distinctes, à des tâches spécifiques, ainsi qu’à des niveaux variables de conflit autour de la reconnaissance du travail même.
À l’heure de l’automation et de la plateformisation, le travail est soumis à une pression pour le remplacement qui aboutit au résultat inattendu de pousser les travailleurs à réaliser des activités, mal ou non rémunérées, de production de données et de supervision d’apprentissage de machines. Vendues aux entreprises dans le cadre de solutions d’intelligence artificielle, ces fonctions sont présentées aux personnes qui les réalisent au quotidien non pas comme du travail, mais comme des usages sans rapport avec la création de valeur par les dispositifs techniques. Les machines ont besoin du digital labor aujourd’hui pour apprendre à s’en passer demain.
La disparition du travail n’est pas une conséquence inévitable de l’automation, alors que sa dégradation est un effet non seulement possible, mais déjà bien visible, de la plateformisation. Qu’elle se réalise ou bien qu’elle demeure au stade d’une tentative inaboutie n’est pas la conséquence surdéterminée du développement technologique, mais l’issue de l’aménagement des luttes sociales qui l’entourent.