Podcast de La Grande Table, le magazine culturel de la mi-journée sur France Culture, à l’occasion du symposium “Comprendre le phénomène pro-ana” mené par l’ANR Anamia (14 décembre 2012, Bibliothèque nationale de France). Pour en parler, sur le plateau de Caroline Broué, Pascal Ory, Catherine Clément et le sociologue Antonio Casilli, auteur de Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? (Ed. du Seuil) et coordinateur du projet Anamia.
» Comprendre le phénomène pro-ana 29.11.2012 – durée 28 minutes.
Pour écouter d’autres podcast d’Antonio Casilli sur France Culture.
« A travers ce projet de recherche, nous voulions porter un regard nouveau sur l’anorexie et la boulimie, dont l’étude est souvent centrée sur l’individu. Nous avons remarqué que des liens forts se nouent sur internet autour de ces questions, notamment. En intégrant ces communautés, les gens recherchent de la proximité, de l’entraide. On voit s’échanger des récits de vie, des carnets d’alimentation, des textes, qui donnent un instantané de cette société. Il apparaît que les utilisateurs de sites pro-ana sont soumis aux mêmes tensions que n’importe quel autre mangeur, n’importe quel autre citoyen : par exemple, le besoin de se mettre en relation avec une autorité médicale, souvent mise à mal.
Les sites d’aide aux anorexiques ou aux boulimiques s’inscrivent dans une mouvance de désintermédiation médicale. Aujourd’hui, un médecin reçoit un patient non seulement avec des symptômes, mais aussi avec un début de diagnostic élaboré à partir de Wikipédia. De ce point de vue, tout cela devient une question de santé publique, puisque les malades cherchent de l’aide là où ils savent qu’elle est accessible : sur internet. Cela pose donc la question de l’accès aux soins. Si on est anorexique, pour se faire soigner, et on risque d’avoir recours à un centre de toxicologie. On cherche donc à faire avec les moyens du bord, et cela passe par les blogs, les communautés. La différence de statut de l’anorexie et de la boulimie entre l’avant et l’après-web c’est qu’avant, on était isolé jusqu’à la prise en charge médicale. Aujourd’hui, on rejoint une communauté dès les premiers symptômes.
Certains sites accompagnent vers la guérison. L’étude Anamia montre que la censure de ces blogs est une très mauvaise idée : certes, on interdit ainsi des sites trop extrêmes, mais on interdit en même temps ceux qui diffusent un message d’entraide ou de solidarité. »