Podcast de La Grande Table, le magazine culturel de la mi-journée sur France Culture, consacré à l’affaire Megaupload et à la guerre du copyright. Pour en parler avec Caroline Broué, les historiens Pascal Ory et André Gunthert et le sociologue Antonio Casilli, auteur de Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? (Ed. du Seuil).
Pour écouter d’autres podcast d’Antonio Casilli sur France Culture.
Alors que le débat sur la loi SOPA (Stop Online Piracy Act), en cours d’examen par le Congrès des États-Unis, fait rage dans la presse, le FBI s’octroye une petite partie de plaisir à Hong Kong et en Nouvelle Zélande, pour aller fermer une entreprise, Megaupload, qui héberge et diffuse des fichiers – souvent sans se soucier si les usagers qui partagent sont les ayants droit de ces contenus. D’où les frasques avec la justice étasunienne, qui conduisent à l’arrestation de son PDG Kim Dotcom.
La fermeture du célèbre site de partage marque le coup d’envoi d’une nouvelle saison de conflictualités politiques portant sur la propriété intellectuelle et sur le rôle des cultures numériques. Les lobbys des géants de l’industrie musicale et le président Sarkozy saluent l’opération du FBI comme une victoire de la “logique Hadopi”. Les Anonymous ménent des attaques en masse contre le site Web de l’Élysée, bloquent celui du FBI et mettent en ligne le cataloque Vivendi Universal. D’autres acteurs de la société civile se désolidarisent de Megaupload, accusé de exploiter à des fins commerciaux les fichiers partagés par les internautes.
Bref, nous assistons à une radicalisation (et en même temps à une fragmentation) des positions des acteurs impliqués : les Anonymous, les Partis Pirates, les industries culturelles, les télécoms adoptent des stratégies et des postures de plus en plus radicales et de plus en plus divergentes. Dans cette situation, certains voient le début d’une guerre de tous contre tous, une World War Web, une guerre civile dans laquelle les fossées idéologiques se creusent, et les actions se font de plus en plus violentes.
Et certains, tels Rick Falkvinge, fondateur du parti pirate suédois, envisagent sans détours de passer à la lutte armée : « Si l’on doit en arriver là après des années de protestation et de dur labeur, alors je m’adapterai. Je me battrai pour la liberté autant que je le peux, et j’aiderai les autres à s’organiser autour de la cause. Je suis passé de la préparation mentale à une réelle préparation à l’effrayante et douloureuse possibilité que la situation puisse devenir vraiment moche. La photo qui illustre cet article, le pistolet et la cible (…) a été prise de mon bureau, à cinquante centimètres de là où je suis assis. » Derrière les films et la musique partagés en ligne, se cachent peut-être des enjeux beaucoup plus lourds de conséquences. Ces événements sont peut-être les signes précurseurs d’un ‘internet de plomb’…