Dans le magazine suisse L’Hebdo, la journaliste Sabine Pirolt interviewe Antonio Casilli, auteur de Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? (Seuil) sur l’usage social des profils Facebook pour les jeunes membres du populaire service de networking.
Regard sociologique. Outre la possibilité pour chacun d’accéder, grâce à l’internet et aux réseaux sociaux, à une «microcélébrité», Antonio Casilli, maître de conférences à Télécom ParisTech, souligne plusieurs aspects dans cette nouvelle tendance.
«Les portraits réalisés par un professionnel sont un signal de distinction sociale. C’est le même phénomène que les gens qui passent des dizaines d’heures à se confectionner un personnage sur des jeux online comme World of Warcraft ou dans les univers immersifs comme Second Life. Ils ont travaillé pour arriver à ça.»
Mise en scène. Aux yeux de l’auteur des Liaisons numériques (Seuil), ces jeunes femmes expriment ce qu’elles sont en puissance. Elles sont dans une phase d’expérimentation sur ce qu’elles peuvent se permettre en matière d’apparence. «Elles se mettent en scène pour que les autres les valident, en disant “j’aime ça ou je n’aime pas”. Il s’agit d’une validation sociale et non d’une question narcissique et d’une logique individuelle.»
Mais ne peut-on pas les accuser de tricher avec la réalité, de n’être pas authentiques? «L’authenticité n’est pas liée au fait d’être naturel ou non. C’est une manière de projeter l’essence de leur rôle en société. Ces jeunes femmes cherchent à être quelque chose, et ce quelque chose est leur “soi authentique” qui s’exprime, paradoxalement, par l’artifice.»
Le sociologue est convaincu: Leonie, Jill et les autres sont à l’avant-garde de ce qui se passe à tous les niveaux. Cela veut-il dire que ceux qui se présentent avec des portraits amateurs auront l’air plouc? «Ils ont l’air de moins savoir gérer l’impression qu’ils donnent d’eux sur l’internet. Et cela a aujourd’hui des effets négatifs sur leur capital social…»