Dans le numéro 3196 de Télérama, Erwan Desplanques signe un dossier consacré aux trolls du Web : “Internet rend-il méchant?”. Les thèses d’Antonio Casilli, auteur de Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? (Seuil) y sont exposées : le troll est en réalité un processus social spécifique au Web.
Selon le sociologue Antonio Casilli “personne ne naît troll, tout le monde peut le devenir.” Homme, femme, banquier, chômeur, ministre, étudiant, secrétaire. Aucun profil type, mais une logique simple : une opinion d’internaute déplaît, un autre riposte ; et c’est l’engrenage. […] Affligeant ? Certes, mais pas stérile. Selon les experts, cette catharsis numérique est aussi le signe d’une bonne santé citoyenne. “Le troll est le négatif dialectique, assure Antonio Casilli. Celui qui met les pieds dans le plat, casse les codes, conteste l’autorité. Son intervention est capitale dans le processus social. Il produit du débat et enrichit in fine le qualité du Web.” L’essayiste inscrit les trolls dans le lignée des activistes américains des années 70, puis du mouvement hacker… Le psy Yann Leroux vante leur “vertu socratique”. L’anthropologue Gabrielle Coleman remonte la filiation jusqu’au “trickster” (ou farceur), “une figure ambivalente, porteuse de bruit, de désordre, de mouvement”, présente des mythologies précolombiennes aux comédies de Shakespeare.
A propos du livre “Les liaisons numériques” d’Antonio Casilli, à lire aussi dans Télérama “Un autre lien social” et “Mon ‘friend’ est-il mon ami ?” .