Dans le quotidien Libération de samedi 19 mars 2011, Stéphanie Estournet présente l’ouvrage Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? (Seuil), du sociologue Antonio Casilli.
Vie réelle, virtuelle, espace public, privé… Notre implication sur le Net transforme en objet d’étude passionnante les réseaux numériques et les liens qui s’y développent. Dans les Liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? le sociologue Antonio Casilli s’en saisit pour reconsidérer le lien social. Exit les caricatures d’accros au Web, vus comme des individualistes aux comportements adolescents, décorporés derrière leurs pseudos et bloqués sur des forums kikoolol. Selon lui, nous, internautes, prenons possession d’espaces (le pluriel est ici fondamental) et créons nos relations à l’autre, non pas en rupture avec ce que nous sommes mais avec ce qui nous constitue. Et si l’on a pu envisager le Net comme un univers sans corps, Antonio Casilli rappelle que le réseau grouille de «traces corporelles» («portraits photos», «descriptions écrites», «personnifications animées»). Nous nous incarnons sur la Toile, nous nous y projetons de manière plus ou moins fantasmée, en tout cas, au-delà de nos mots, nous «donnons de nous». On peut, dès lors, envisager de concilier notre individualité avec la collectivité. Ainsi, laisser un commentaire sur un blog, permet de s’inscrire à la fois dans un lien privé avec l’auteur et dans une position publique.
Construite sur la base de témoignages, d’interviews et de nombreuses études scientifiques, la réflexion d’Antonio Casilli démonte les clichés habituels et rappelle que chacun, dans sa pratique, est dans une domestication inventive de nouveaux liens.