Le portail Clubic publie une interview d’Olivier Robillart avec le sociologue Antonio A. Casilli, auteur de Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? (Seuil, 2010) : qu’est-ce qu’un troll et pourquoi est-il inhérent à la sociabilité du Web ?
Quels sont les motifs qui peuvent pousser un internaute à troller?
Il y a sans doute des motivations personnelles qui poussent un commentateur à donner son avis mais ce n’est pas la bonne justification. Nous sommes dans une société où l’on a exclu la possibilité d’avoir de « mauvais comportements », qui dépassent les limites, le trolling entre alors dans un phénomène d’expression plus vaste. Le Web permet une certaine opacité, briser les règles devient donc un élément de richesse. C’est un moyen de faire exploser des barrières sociales mais aussi de communication. Un peu comme le hacking ou le téléchargement illégal, c’est une manière d’être « au dessus » de la mêlée…
[…]Est-il possible de dresser un portait robot d’un troll ? L’identifier plus facilement afin de cerner au mieux ses motivations.
Encore une fois, cela dépend du contexte. Prenons par exemple Wikipédia, le troll qui ira « vandaliser » certaines pages peut ressembler à n’importe qui. De même, le troll n’est pas forcément du sexe masculin, une étude a révélé que sur le site MySpace, les femmes étaient largement présentes dans le flot de critiques. Mais s’il faut dresser un portrait robot, on parle d’un usager type, plutôt jeune, curieux et imprégné de la culture Geek-pop.
Existe-t-il des professions sujettes au troll. Les hommes politiques sont-ils des trolls en puissance ?
Oui, les politiques en sont lorsqu’ils s’embarquent sur des sujets ou des services qu’ils ne maîtrisent pas. Ils sont mal placés, alors ils trollent. La plupart n’ont pas compris qu’Internet n’est pas une interface technique mais sociale. Du coup, ils prennent parfois la parole de manière inadaptée. Et là, on est bien souvent dans du pur troll…