La journaliste Sophie Lherm questionne le lien entre usages d’Internet et isolement social dans son très bon compte-rendu du livre d’Antonio Casilli Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? (Seuil, 2010). L’article vient de paraître dans le numéro 3172 de Télérama (30 oct. – 5 nov. 2010), dans la rubrique “Le débat”.
Pourtant il était pratique cette “vision hydraulique” de la sociabilité en ligne – si les flux de communication se déplacent trop vers Internet, la vie familiale ou amicale se trouve à sec. Le problème, c’est que si on coupe l’accès à la Toile, la réciproque n’est pas vraie. Les vases ne communiquent donc pas tant que ça. […] “De la peur de la solitude provoquée par Internet, on en est venu à regarder cette technologie comme un outil pour réduire la solitude”, écrit Antonio Casilli.
Addendum : le 31 octobre 2010, le site Web Télérama.fr a republié l’article dans son intégralité (sous le titre Internautes, vous sentez-vous isolés ?) avec, en annexe, une très intéressante mise en écho des points de vue d’Antonio Casilli et de Malcolm Gladwell : Mon ‘friend’ est-il mon ami ?, par Sophie Lherm.
Comment traduire alors le friending, ce mot qui sert à désigner le fait de tisser des liens via les réseaux sociaux ? La meilleure approximation de ces liens dits « faibles », répond Casili, serait non pas l’amitié, mais une autre activité qui nous rapproche de nos ancêtres les primates : c’est le « toilettage » réciproque, auquel s’adonnent les grands singes. Ils se frottent, se fouillent à la recherche d’éventuels parasites, jouent. Et, fait plus important encore, ce toilettage est un stabilisateur social ; il offre plus d’occasions de s’entraider, et moins d’opportunités d’entrer en conflit. De la même façon, flâner ensemble sur des sites, échanger des commentaires sont certes des formes d’amusement, mais elles permettent aussi aux usagers de « se faire les puces » réciproquement, de s’entraider en échangeant de petites faveurs ou de petites remarques qui aident à évoluer. « Ce lien d’un nouveau type ne remplace pas les autres, mais les enrichit d’une autre fonctionnalité – la capacité de combler les espaces vides existants entre les différents groupes sociaux. » Bref, de mieux coopérer et de s’organiser – que ce soit pour un apéro géant ou une manif République-Nation…